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Parole de patients
de Denise Sauget

Pour introduire mon propos, je citerai les paroles d'une patiente atteinte d'un cancer du sein, ayant fait une rechute et actuellement stabilisée.
Les dires de cette patiente sont à entendre en résonance avec cette remarque de Pascal :
"La raison a beau crier, l'imaginaire a établi dans l'homme une seconde nature".

Je cite la patiente :

"Quand je suis tombée malade, à la clinique, je voulais en parler et prendre en charge ma maladie ; on m'a proposé la P.N.L. (programmation neurolinguistique) parce que j'avais des pulsions de mort horribles ; on me faisait projeter dans l'avenir, visualiser l'après maladie. A l'intérieur de mon corps ça battait la chamade et ça se désorganisait ; des choses se combattaient en moi. C'est comme si on voulait m'amener à voir d'une certaine façon. Il faut pourtant que je sois d'accord avec ce que je pense. Mes valeurs, il ne faut pas que ce soit les autres qui me les expliquent. C'est grave pour moi d 'être contrariée, ça provoque en moi une impression de déchaînement : mon squelette, mes os sont touchés. Quand ça part dans mon corps, j'ai l'impression que tout ça est désorganisé, c'est pour ça que j'ai besoin d'en parler."
Est-ce l'imaginaire de ma patiente qui ne pouvait pas s'exprimer comme elle voulait dans cette proposition thérapeutique qui l'a fait se révolter ?

" J'ai besoin d'en parler".
Depuis Freud, on connaît l'importance de la parole, cet élément médiateur qui sort le sujet de l'impasse imaginaire. Si nous tentons d'explorer un peu cette notion de parole, nous voyons que l'échange de la parole humaine peut s'exercer sur des plans différents:
Le plan du communiqué, celui de la discussion, de l'information et de la transmission des connaissances ; dans ce registre, la communication se fait autour d'un objet considéré comme extérieur à l'action de la parole, et la parole tend à réaliser un accord sur l'objet.
L'autre plan où la parole s'exerce est celui de la reconnaissance. Il ne s'agit pas seulement d'informer et de tenter de réaliser un accord sur l'objet; sur cet autre plan la parole a une fonction qui va au-delà de parler ; l'acte de langage va au-delà de l'information transmise.
Dans ce registre-là, nous pouvons établir une parenté avec le symbole. En effet, la parole comme le symbole, dans son sens premier, sert à la reconnaissance de l'autre comme sujet humain.
Le symbole renvoie à l'image de la tessère antique qui porte le mot d'ordre ; l'étymologie du mot renvoie à sum-bolon qui consiste à la corrélation entre des éléments n'ayant aucune valeur isolée mais dont la réunion (sum-ballô) permet à deux alliés de se faire reconnaître comme tels, c'est-à-dire comme liés entre eux.
On peut ainsi établir une certaine équivalence entre parler et symboliser, bien qu'il ne suffise pas de parler de quelque chose pour que ce soit symbolisé; en effet, la parole ne peut avoir d'effet qu'à condition de ramener des souvenirs. Symboliser c'est aussi représenter, et cette deuxième occurrence situe la parole dans un registre plus objectif, la représentation permettant le déplacement possible d'un fantasme à une représentation autre.
Si nous nous détachons de ce sens premier liant parole et symbole, nous retrouvons cette fonction de reconnaissance dans le rapport à soi. Parler c'est aussi reconnaître, à travers sa parole, quelque chose de soi ; cet effet de reconnaissance étant inséparable de la relation de transfert. Cette reconnaissance dans la relation de transfert est reconnaissance d'une parole de soi ; elle est nécessairement liée à l'autre, partagée avec l'autre; la présence de l'autre étant garant qu'il ne s'agit pas d'une reconnaissance purement imaginaire.
Cette reconnaissance d'une parole de soi, c'est aussi la reconnaissance de soi-même comme sujet "Je".

Cette question du sujet est au cœur même des revendications de cette patiente.
"Il faut que je sois d'accord avec ce que je pense. Mes valeurs, il ne faut pas que ce soit les autres qui me les expliquent".
La question du sujet est centrale dans la psychanalyse. Elle a été reprise à partir des textes freudiens par Jacques Lacan dans des textes décisifs. Dans une conférence sur le Réel, le Symbolique, l'Imaginaire et dans Fonction et Champ de la Parole et du Langage en psychanalyse, publié sous sa forme définitive dans "les Ecrits".

La psychanalyse se situant entièrement dans la fonction de la parole, elle est ordonnée à cette fonction et à l'altérité que cette parole constitue.
Cette question du sujet renvoie à la question quel est le sujet qui parle dans la psychanalyse ? qui parle à qui ? question qui sera reprise à toutes les époques par J. Lacan.
Je n'aborderai pas dans ce temps bref, cette question délicate de la caractéristique du sujet de l'inconscient, comment ce sujet se construit, ni celle de la spécificité du rapport du sujet à la psychanalyse au regard des déterminations que le sujet peut recevoir d'autres champs.
Ce qui m'intéresse aujourd'hui, c'est en quoi le terme de sujet résonne avec cette fonction centrale de la parole. La définition de Lacan, "l'Inconscient ça parle", établit le lien entre la parole et le sujet de l'Inconscient. En effet ça parle, dans le mot d'esprit, dans l'acte manqué, le lapsus, le rêve ; la question du "ça" se pose et le "Je" doit advenir à la place du "ça". Le qui parle à qui n'étant qu'une variante de cette question.
Ce qui est de l'ordre du "Je", du sujet de la parole, du désir et du symbolique se distingue absolument de l'ordre du Moi, du narcissisme, du fantasme et de l'imaginaire.

Quittons le champ théorique pour revenir à la clinique.

La parole du patient, au-delà du vide de son dire, est appel à la vérité dans son principe, elle constitue un acte, quelque chose d'irréversible.
A travers les dires de cette patiente, on entend cet appel à la vérité, son désir de sortir de cette parole bâillonnée renforcée selon elle par la thérapeutique proposée : la P.N.L., dont elle dit :
"C'est une technique qui consiste à se mettre en phase avec l'autre, c'est construit, pas naturel, c'est ne pas être dans la vie, c'est se trahir. En plus, on ne peut pas maîtriser l'affectif de cette façon car il faut se libérer au contraire : "Parler".
"J'ai besoin d'en parler".

Cette patiente sait qu'il faut mettre des mots sur la maladie évolutive qui affecte son corps, elle sait que c'est la parole qui peut la faire vivre. Ce qui semble se révéler à travers les mots et le corps de cette patiente, ce sont les marques de la douleur paternelle, marques qui se sont inscrites aux premiers mois de son existence et de sa souffrance, douleur paternelle dont elle dit qu'elle avait réalisé "quelle pourrait l'avoir aussi", mais que son père refusera toujours de reconnaître, même dans les moments les plus douloureux de sa chimiothérapie et de son opération. La douleur paternelle ravageante est liée à la déportation et à la mort de toute la famille du père, la naissance de ma patiente survenant à ce moment-là. Elle porte la culpabilité d'être en vie et elle se "fait payer çà". Les paroles meurtrières que son père lui adresse viennent renforcer une culpabilité dévastatrice. C'est au nom de cette culpabilité qu'elle se demande ce qu'elle peut faire pour éviter une rechute dans cette maladie ravageante qui la guette.
Dans les entretiens psychanalytiques, elle tente de construire un discours sur la souffrance de son corps de femme comme réponse à l'absence de l'Autre. Une phrase insupportable surgit:
"Mon père c'est un cancer, il revient comme un cancer, il veut imposer son ordre, me soumettre à son ordre" (on comprend pourquoi elle n'a pas supporter la P.N.L.).
Dans un rêve qu'elle rapporte lors d'une séance, où une bombe menace d'exploser, elle dit pouvoir associer la bombe à son père.
"Il m'arrive comme une bombe, alors c'est peut-être l'enfant qui est en moi qui sort, je suis paralysée".
Ravagée par la violence verbale de son père et les retours imprévisibles de sa tyrannie, sans possibilité de recours du côté maternel, ce cancer n'est-il pas pour elle un moyen d'assurer une identité défaillante ? Car elle se plaint de ses débordements d'angoisse qui la submerge où elle ne sait plus comment elle s'appelle, qui elle est, et où elle replonge dans cette solitude de petite fille abandonnée. Elle a en outre été tiraillée entre deux noms, le père ayant décidé de changer son nom étranger pour un nom français; ma patiente avait alors quatorze ans au moment de l'autorisation de changement de nom, l'acte d'authentification ayant été délivré seulement trois ans plus tard, elle avait dix sept ans.
Débordée par la colère qui explose en elle, elle parle de la honte d'elle-même, une honte qui la torture.
Le besoin qu'elle éprouve de parler de son cancer, c'est son rendez-vous avec la psychanalyse comme autre regard, regard qui ne juge pas, ne se moque pas, ne critique pas mais qui soutient. Grâce à ce travail de parole, elle sort peu à peu de l'emprise des mots meurtriers du père et de son impuissance face au cancer.
La maladie ravageante de cette patiente cache un mal d'exister profond et ancien bien plus terrible pour elle.
On pourrait faire l'hypothèse que le cancer a permis un mode d'expression à l'insupportable, donner forme à ce qui ne pouvait s'exprimer directement; mais le mode d'expression par cette maladie grave qu'est le cancer implique pour elle un danger létal , seule solution qu'elle a trouvée pour échapper à l'enfer de vivre. Sa maladie doit être combattue et soignée. Mais est-ce suffisant ? Combattre et soigner sa maladie, ce langage du corps, création de la patiente face à l'impossibilité d'un langage véritable, c'est l'urgence; mais permettre à la patiente ce passage du langage du corps au langage parlé, n'est-ce pas aussi de la responsabilité du médecin averti, de faire entendre au patient, que ce qu'il exprime avec le corps il pourrait peut-être l'exprimer autrement en paroles ? Il y a des moments d'émergence de souvenirs où les impératifs thérapeutiques coïncident avec les conditions même de la fonction de la parole ; on pourrait saisir ces moments pour orienter vers un psychanalyste, un patient coincé dans les mailles du langage, afin de lui permettre de sortir de sa prison imaginaire et de libérer des énergies nouvelles qui pourront l'aider à lutter contre sa maladie.
Les effets attendus du côté du patient, c'est que la parole le pardonne, le redonne à la vérité de son désir et de son corps.
Du côté du médical, c'est à mon sens, dans le registre du mode de réponse à la demande du malade qu'est la chance de survie de la position proprement médicale. La fonction médicale s'exerce, selon moi, dans la signification de la demande, qui n'est pas à entendre exclusivement comme demande de guérison, mais comme mise à l'épreuve du médecin à qui il demande de le sortir de sa condition de malade, alors même que le patient peut être attaché, inconsciemment, à l'idée de conserver sa maladie.
Cette patiente a su trouver sa voie seule, elle savait que sans en parler elle ne pourrait pas faire face à son cancer dans la solitude et l'isolement de sa vie.

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